Le Aïne Beth et la Guéoula… Interview
La ‘Hassidout contient les secrets de la Torah, mais le « Ayin Beth » de Rabbi Chalom Dov Ber de Loubavitch contient les secrets des secrets. C’est un livre comportant trois ans et demi de discours selon la Paracha de la semaine et des fêtes, mais il parle essentiellement de la Pure Divinité, en exposant les facettes les plus profondes du système d’enchaînement des mondes au grand jour. Ce livre a été édité par le Rabbi Chlita Méle’h HaMachia’h suivant les plus grandes précautions le 20 Kislev 5736-1975. Il est totalement impossible de le cerner totalement. Par contre un homme, un maître en ‘Hassidout qui a étudié la Kabbale pendant dix ans, le Rav Yaacov Corda peut nous aider, non pas à comprendre, mais à appréhender « l’Infini » contenu dans ce livre. Voici la suite de l’entrevue du numéro précédent…
Le Point sur la Guéoula : Rav Yaacov Corda, racontez-nous un peu ce qui vous a amener à étudier le « Ayin Beth » du Rabbi Rachab ?
Rav Yaacov Corda : C’est au sortir de trois années intensives d’étude de la Kabbalah, durant lesquelles, mon maître, le Rav Réouven Yashar m’a formé à l’étude et à l’enseignement du « Ets ‘Haïm », le livre phare de la Kabbalah du saint Ari. Je suis, alors, revenu vers la raison pour laquelle je m’était engagé dans l’étude de la Kabbah : pouvoir comprendre la ‘Hassidout ‘Habad, laquelle, emprunte son langage à la Kabbalah du Ari.
Parallèlement à l’étude du Zohar, j’ai commencé par le Dere’h Mitsvoté’ha du Tséma’h Tséddèk, le troisième Rabbi de Loubavitch. Puis la suite de Maamarim (discours) du Rabbi Rachab de l’année Same’h-Vav qui est étudiée dans les Yechivot Tom’hei-Tmimim. Par contre, la suite de Maamarim qui commence par l’année Ayin-Beth, n’est étudiée que par l’élite des Machpiim, les meilleurs enseignants en ‘Hassidout ‘Habad. La plupart ont peur de ce sommet qui leur semble suspendu aux mondes divins, jouxtant avec les anges et le Créateur.
Pour ma part, plongé dans un monde de Kabbalistes, au sein d’une maison d’étude de directeurs d’institutions kabbalistiques, je ne me suis pas posé la question si c’était trop élevé pour moi. Il fallait que je passe naturellement par cette étape de compréhension. Le Ayin Beth est considéré comme la merveille des merveilles d’entre les livres de la ‘Hassidout ‘Habad, et selon, l’expression utilisée par le Rabbi Rachab, lui-même, « une nouvelle manière d’exprimer la ‘Hassidout ». Pour répondre plus directement, on ne peut étudier la Kabbalah et la ‘Hassidout sans finalement étudier ce livre qui atteint le sommet de la connaissance de l’étude du divin.
LPSG : Par quoi commence ce livre ?
RYC : « A l’heure où ils ont devancé, « nous ferons » de « nous comprendrons », sont descendus les anges du service divin pour couronner chaque Juif de deux couronnes. Une par rapport à Naassé, (nous ferons), et une par rapport à Nichma, (nous comprendrons) ». Ensuite, le Rabbi Rachab analyse les différents textes qui se contredisent sur la donation et le nombre des couronnes. Nous rentrons alors dans le monde du Keter, lequel est toujours en relation avec le plaisir et la volonté. De là, pour désigner un exemple dans le texte, la volonté particulière qui découle de la volonté générale. Toutes prennent racine dans le plaisir originel, lequel, quoi que déconnecté de toute autre émanation, finit par générer le désir qui sans aucune obligation enfantera la volonté.
Dans cet ordre des choses, la volonté est un principe final, comparable à l’établissement des dix forces spirituelles qui organiseront le monde : les dix Sefirot.
LPSG : Quelles sont les différentes visions du système d’enchaînement des mondes dans la Kabbale et la ‘Hassidout ?
RYC : On peut citer essentiellement, la vision du Ramak, ‘Rabbi Moché Cordovéro) qui est l’un des plus grands commentateurs du Zohar, rassemble les enseignements de tous ses prédécesseurs pour les organiser en une suite logique sur l’agencement des mondes et des Sefirot. Il apporte aussi la précision d’un lexique explicite de tous les termes de la Kabbalah dans son livre, le « Pardess Rimonim ». Ensuite, vient son successeur, le Ari HaKadoch qui, lui, codifiera la structure de l’agencement des mondes dans le microcosme du « Tsimtsoum-Rétraction », pour leur donner une suite logique au sein de l’émanation de la lumière infinie. Depuis le Ari, la Kabbalah se dévoile dans les notions d’espace-temps nécessaire à la fixation d’une « science exacte ». Tandis que le Ramak, préfère évoluer dans l’Essence de D.ieu, sans l’obligation du Tsimsoum, le voile de l’espace-temps.
LPSG : Pouvez-vous nous parler des lumières et des réceptacles dans le Ayin Beth ?
RYC : C’est dans ce livre que le Rabbi Rachab, fixe sa méthode d’analyse depuis l’état de dévoilement d’une Séfira vers son état précédant où elle possède déjà une structure et une définition « personnelle ». Pour préciser le sujet, selon le Ramak, avant que la lumière pénètre son réceptacle, la lumière est impersonnelle, simple effusion de lumière qui recevra sa personnalité uniquement dans la fusion avec le réceptacle, lequel représente complètement la Séfira.
Le Rabbi Rachab, quant à lui, explique qu’il y a, à proprement parler, une Séfira de lumière, le Or, qui rencontre une Séfira de réceptacle, le Kéli. Cette union est déterminée par une préparation déstructurée, comparable, pour nous, à l’inconscient qui précède la révélation intellectuelle.
Il s’agit d’un niveau de divin où rien n’est véritablement défini mais où tout est déjà orienté dans les moindres détails qui ne seront établis que dans l’état du dévoilement.
On dirait presque que dans ce texte, ce qui existe n’existe pas encore et ce qui n’existe pas encore est pourtant déjà possesseur de toute l’ampleur des détails de l’existence. Tout ceci n’est possible que dans la conscience où rien n’existe en dehors de Lui, bien sûr.
LPSG : Vous nous avez décrit la conception que l’on obtient avec ce livre en nous parlant du rapport entre l’existant créé et l’Existant réel, pouvez-vous décrire cela ?
RYC : Bien sûr, mais je tiens à préciser que la Torah du Rabbi actuel, le Rabbi Chlita Méle’h HaMachia’h est essentielle pour clore les sujets exprimés dans le Ayin Beth. Si bien que le Rabbi Rayats (le Rabbi précédent) exprime la proximité de la Torah du Rabbi actuel, avec celle de son père le Rabbi Rachab. Le Rabbi actuel donne le mot de la fin : l’existence créée est l’Existence réelle. Pour parvenir à cette conclusion, il faut rapporter sur le sujet de Yesh MiAyin, l’existence ex-nihilo, les paroles du Rabbi Rachab, à savoir, l’existence tient une place au sein de la non-existence. Ce n’est donc, tout au plus, qu’un dévoilement de ce qui était voilé. Dans cette optique, le verset du roi Chlomo, « Il n’y a rien de nouveau sous le soleil », prend une ampleur extraordinaire. Le Ayin Beth est l’invitation à découvrir la perfection du potentiel de l’agencement qui précède la structure de l’agencement parvenu au dévoilement, lequel, n’est pas plus réel que l’état précédent, au sein de l’Essence Infinie. Pourquoi dans ce cas, le Rabbi actuel affirme que l’existence créée est l’existence véritable ? La réponse est : « la volonté du Créateur qui est alors établie dans la perception de cette fin de parcours. Même si ce n’est qu’une perception et non une réalité absolue, dans le plan divin originel, la fin est enracinée dans le début et le début dans la fin (Sefer Yétsira) ».
LPSG : Les mondes infinis qui sont au-delà de la rétraction sont évoqués par le Rabbi Rachab, il parle des « Sphères Enfouies » qu’est ce que c’est ?
RYC : Les dix Sefirot enfouies dans l’état qui précède le Tsimtsoum, sont déjà la résultante de l’établissement de la volonté de créer le monde. Même si cette création n’est pas encore « détachée » de l’état de l’Essence de la Lumière Infinie, elle est pourtant la structure de la création à part entière. Ainsi, le verset de la prière, « Béni soit Celui qui dit et le monde fut », ne parle vraiment que des dix Sefirot d’avant la création « effective ». En d’autre termes, dans le plan établi pour l’existence des mondes divins.
Ne vous y trompez pas, notre monde est le dernier maillon des mondes du dévoilement de la lumière divine. La structure et l’agencement de tous les mondes « préexistent dans le modèle établit des dix « Sefirot HaGnouzot », encore enfouies dans l’état précédant le Tsimtsoum.
LPSG : Y a t-il un rapport entre ce livre et la Délivrance, la Guéoula ?
RYC : Ce livre est considéré comme « la lumière de la Guéoula, dans la Guéoula ». C’est déjà une totale immersion dans la conscience de la Guéoula. La ‘Ho’hma, la sagesse de la Guéoula et son développement dans la compréhension.
LPSG : Selon le « Ayin Beth » quand se dévoilera la Délivrance ?
RYC : Pour cette question, je m’en réfère plutôt au Rabbi Chlita Méle’h HaMachia’h, lequel nous conditionne pour un présent de Guéoula. « Aujourd’hui, à l’instant même, est le meilleur moment, la date la plus propice de la Guéoula complète et véritable ». Si je désire ardemment cette Guéoula, je dois faire de ma vie quotidienne, une rencontre avec D.ieu. La Guéoula c’est être D.ieu, parce que tout est en D.ieu, sans pour autant disparaître en tant qu’individu. Ce qui intéresse le Créateur, c’est le cheminement humain de l’âme divine au sein d’un univers qui génère la certitude de la réalité.
LPSG : Merci beaucoup Rav Yaacov Corda pour le temps si précieux que vous nous avez consacré, mais surtout pour nous avoir fait goûter à l’Essence. (Propos exclusifs recueillis par l’équipe du Point sur la Guéoula)
Voir les cours du Rav Yaacov Corda sur le Aïne Beth, nouvelle saison…
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